Un carnet à portée de main !

Rédigé le 06/12/2019


« Se remplir, ne manquer de rien, consommer » : voilà des « valeurs » à la mode qui nous marquent et conditionnent nos comportements. Que celui qui se tient en dehors de cela me jette la première pierre ! Nous avons tous un petit air de caméléon, reconnaissons-le, changeant de couleurs selon les ambiances : pieuse, aventurière, défoncée, agressive, …

Les « valeurs » des sociétés occidentales sont proches de celles des adolescents, amplifiant les pulsions naturelles[1] et suscitant une mosaïque de modèles éphémères ou alors, comme en contre-pieds voire successivement, nous nous fixons dans l’inamovible. Cela rend difficile le chemin d’une unité de vie et d’un devenir adulte qui supposent de se confronter au sens de sa vie et au bon usage de la liberté.

Devenir soi-même ! Voilà l’injonction d‘aujourd’hui, mais comment le devient-on ? Je vous propos un tout petit moyen matériel, mais grand dans ses effets : un carnet à portée de main pour y prendre des notes.

Ce carnet va pouvoir recueillir : quelques mots d’un livre ou d’un article qui m’a intéressé, la préparation de mes confessions, des versets bibliques entendus à la messe ou lus au cours de l’Heure Route, des paroles de mon père spirituel ou de mon parrain pilote, des idées fortes d’un topo, des souvenirs d’une conversation profonde entre amis …

Il va nous aider à avancer avec la mémoire des paroles, des gestes, des mots … qui tissent notre quotidien et peuvent éclairer, en leurs temps, les pas que j’ai à faire.

L’avantage de l’écrit sur l’oral est que … les écrits restent : je peux relire, dans un moment plus difficile ou lors du passage à la nouvelle année, un conseil reçu autrefois, une parole d’encouragement accueillie, un verset biblique éclairant … Ainsi, j’avance au quotidien non plus seulement au gré de mes passions ou  à l’aveuglette sentimentale, mais avec la mémoire des diverses rencontres et lectures que je fais au jour le jour et la mémoire du Seigneur qui ne cesse de me parler au cœur et à l’intelligence de diverses manières. Ainsi je me confronte à la question du sens de la vie et j’ai des repères pour vivre maintenant, que je sois lycéen, étudiant, jeune pro …

Le carnet à portée de main est une aide pour la mémoire. Il est aussi une aide pour durer dans des choix importants, porteurs de vie, ou les reprendre, ou trouver les moyens de les rechoisir. Durer, voilà un mot important qui favorise l’unité de vie. Or, pour durer, « il faut avoir une source au fond de l’âme. Il faut à  la fois la force de se souvenir et la force de créer », écrivait un moine trappiste[2]. Se souvenir et créer, l’un ne va pas sans l’autre, dans la vie amoureuse entre un homme et une femme, dans la prière, dans le quotidien parfois exaltant, parfois lassant.

Le carnet à portée de main aide, petit-à-petit, à révéler « la source au fond de l’âme », par le souvenir et la création.

Si vous voulez voir le bien d’un carnet dans une vie ou comment on l’utilise, ouvrez la biographie de Carl Leisner[3], nommé « apôtre de la jeunesse » par Jean-Paul II, jeune homme du XXème siècle. Vous y lirez des pages de son carnet personnel et apprendrez de lui à devenir vous-même, patiemment, sous le regard du Seigneur, avec sa grâce.

Le 30 novembre, par exemple, il écrivait : « Qu’attend de moi l’année nouvelle ? Servir : ma vocation et tous ceux que je rencontrerai. Lutter : pour une clarté définitive et absolue dans mon âme, pour une totale disponibilité de l’être tout entier, corps et âme. Prier : plein de désir et de confiance, alors tout ira bien. Le Seigneur me montrera le chemin dans une progression continue. Il me mènera sur des sentiers, là-haut, si j’élève mon âme vers Lui. Travailler : jusqu’à présent, ce n’était pas encore comme il faut. Songe à la brièveté du temps. Et maintenant, en avant ! Avec Dieu, pour son honneur ! » 

frère Eric Bidot,  Frère Mineur Capucin

 

[1] Voir L’état adolescent, miroir de la société, Daniel Marcelli, Anne Lamy, Ed. Armand Colin, 2013.

[2] Père Jérôme, Tisons, notes personnelles, p.22.

[3] René Lejeune, Comme l’or passé au feu, Ed. du Parvis.