« Ni dans l’ouragan, ni dans le tremblement de terre ; mais dans le murmure d’une brise légère »

Rédigé le 02/11/2024
Jean HUOT


« Ni dans l’ouragan, ni dans le tremblement de terre ; mais dans le murmure d’une brise légère »
1er Livre des Rois, ch 19

Bien tard, je t’ai aimée, ô beauté si ancienne et si nouvelle, bien tard, je t’ai aimée ! Et voici que tu étais au-dedans, et moi au-dehors, et c’est là que je te cherchais, et sur la grâce de ces choses que tu as faites, pauvre disgracié, je me ruais ! Tu étais avec moi et je n’étais pas avec toi ; elles me retenaient loin de toi, ces choses qui pourtant, si elles n’existaient pas en toi, n’existeraient pas !
Saint Augustin, Les Confessions 10, 27

On a l’habitude de dire que l’oisiveté est la mère de tous les maux. On recommande le travail pour empêcher le mal. Mais aussi bien la cause redoutée que le moyen recommandé vous convaincront facilement que toute cette réflexion est d’origine plébéienne. 
L’oisiveté, en tant qu’oisiveté, n’est nullement la mère de tous les maux, au contraire, c’est une vie vraiment divine lorsqu’elle ne s’accompagne pas d’ennui. Elle peut faire, il est vrai, qu’on perde sa fortune, etc. ; toutefois, une nature patricienne ne craint pas ces choses, mais bien de s’ennuyer. Les dieux de l’Olympe ne s’ennuyaient pas, ils vivaient heureux en une oisiveté heureuse. Une beauté féminine qui ne coud pas, ne file pas, ne repasse pas, ne lit pas et ne fait pas de musique est heureuse dans son oisiveté ; car elle ne s’ennuie pas. L’oisiveté donc, loin d’être la mère du mal, est plutôt le vrai bien. L’ennui est la mère de tous les vices, c’est lui qui doit être tenu à l’écart. L’oisiveté n’est pas le mal et on peut dire que quiconque ne le sent pas prouve, par cela même, qu’il ne s’est pas élevé jusqu’aux humanités. Il existe une activité intarissable qui exclut l’homme du monde spirituel et le met au rang des animaux qui, instinctivement, doivent toujours être en mouvement. Il y a des gens qui possèdent le don extraordinaire de transformer tout en affaire, dont toute la vie est affaire, qui tombent amoureux et
se marient, écoutent une facétie et admirent un tour d’adresse, et tout avec le même zèle affairé qu’ils portent à leur travail de bureau.
Søren Aabye Kierkegaard, Miette Philosophiques

Le Seigneur dit : « Sors et tiens-toi sur la montagne devant le Seigneur, car il va passer. » À l’approche du Seigneur, il y eut un ouragan, si fort et si violent qu’il fendait les montagnes et brisait les rochers, mais le Seigneur n’était pas dans l’ouragan ; et après l’ouragan, il y eut un tremblement de terre, mais le Seigneur n’était pas dans le tremblement de terre ; Et après ce tremblement de terre, un feu, mais le Seigneur n’était pas dans ce feu ; et après ce feu, le murmure d’une brise légère. Aussitôt qu’il l’entendit, Élie se couvrit le visage avec son manteau, il sortit et se tint à l’entrée de la caverne. Alors il entendit une voix qui disait : « Que fais-tu là, Élie ? »
1R 19 ; 11-13

L’Esprit de Dieu fait sa demeure en chacun d’entre nous, il choisit d’habiter, de reposer en nos coeurs. Saint Augustin fait bien tard, selon lui, l’expérience de cette vérité. Il cherche Dieu dans sa création, il se rue à l’extérieur de lui-même dans un vacarme affolé, il s’agite à la recherche de Dieu, qui Lui, bien paisiblement, habite en lui patiemment et l’attend.

Péguy écrivait « Heureux les amis qui s’aiment assez pour se taire ensemble ». Habiter avec l’Esprit, savourer une certaine oisiveté, une certaine tranquillité, avec Lui, est comme passer un moment avec une personne chère : dans ces moments-là, il n’est pas forcément nécessaire de faire ou de dire, juste d’être en présence l’un de l’autre, sans s’ennuyer, sans s’activer. Les meilleures amitiés se nourrissent de ces moments privilégiés où l’on se contente « d’habiter l’un avec l’autre ».

Kierkegaard fait la distinction entre l’oisiveté en elle-même et l’ennui qui l’accompagne quand elle est inadaptée. Il met cet ennui à la racine de tous les maux et le compare dans sa malice à l’activité frénétique et sans but de celui pour qui tout est une affaire.

Se taire ensemble est un processus actif, il ne s’agit pas de s’ennuyer à plusieurs, mais bien de profiter en silence de la présence de l’autre, de savourer la présence d’un être cher et de rendre grâce de pouvoir partager des moments de paix et de silence qui parfois semblent durer l’éternité.

C’est en partie pour cela sans doute que l’Esprit vient « habiter » en nous : il se rend disponible à cette contemplation active mutuelle dans une oisiveté qui se nourrit presque uniquement de l’autre et de sa présence.

Questions :
• Suis-je capable de me taire pour profiter de la présence d’un ami ?
• Qui plus est, est-ce que je sais habiter en présence de Dieu ?
• Suis-je capable de me reposer sans m’ennuyer ?
• Comment puis-je éviter l’ennui et faire de mes moments de repos des moments de qualité ?

Résolution :
Aujourd’hui, je prends le temps d’écouter tous ce qui m’entourent (mes frères scouts, les oiseaux, le vent).