Un nouveau tournant s’ouvre pour l’enseignement catholique : Guillaume Prévost a été nommé secrétaire général, en septembre 2025, succédant ainsi à la tête de l’institution chargée d’accompagner et d’animer le réseau éducatif catholique en France.
Pourriez-vous vous présenter en quelques mots, et nous dire ce qui vous a conduit à la direction de l’Enseignement catholique ?
J’ai 43 ans, je suis marié et père de 4 enfants. J’ai un parcours bigarré, ou disons composite. Des études de philosophie et de mathématiques, puis la Marine nationale, où j’ai servi huit ans comme officier… L’ENA, suivie du ministère de l’Éducation Nationale ; et enfin, la direction du think tank Vers le Haut, laboratoire d’idées dédié aux questions éducatives. Catholique en quête d’engagement social, je ne viens pas du sérail de l’enseignement catholique… Il est possible que cela ait compté dans le choix des évêques qui m’ont choisi en avril dernier. Je fais donc ma première rentrée dans l’Enseignement catholique !
J’aborde cette nouvelle mission avec beaucoup d’enthousiasme, mais aussi avec un sentiment de grande responsabilité, et d’humilité. L’Enseignement catholique est vigoureux et énergique. L’engagement des acteurs et des équipes que je rencontre depuis plusieurs semaines force l’admiration. Chefs d’établissement, enseignants, cadres éducatifs, directeurs diocésains, sans oublier les parents, les bénévoles… Tous donnent à chaque jeune la force de se construire dans toutes ses dimensions. Les solutions à la crise éducative que notre société traverse viennent et viendront assurément d’eux.
Combien d’élèves effectuent-ils leur rentrée dans le premier et second degrés ? Quelle évolution de chiffres avez-pu constater sur les dernières années ? Que révèlent ces tendances sur les attentes et les choix éducatifs des familles aujourd’hui ?
Un peu plus de 2 millions d’élèves. Nous n’avons pas encore les chiffres exacts. Hormis les effets inévitables de la baisse démographique, on peut parler d’effectifs stables. J’y vois le signe que le projet de l’enseignement catholique rencontre les attentes des familles. Cette confiance qu’ils placent en nous traduit certainement le besoin d’un cadre rassurant, d’une attention soutenue aux élèves, d’un regard porté sur chacun pour découvrir sa propre richesse, ses talents et ses qualités, et les faire grandir. Alors, j’entends dire : il n’y a donc plus aujourd’hui chez les parents le choix d’un projet éducatif chrétien… Mais précisément, nous y sommes ! Même si cela s’exprime un peu confusément, ce qui trouve une résonance chez les parents, c’est bien cette proposition éducative singulière dont la source et le souffle sont dans la Révélation chrétienne : « Tu as du prix à mes yeux », « Tu es aimé ». Et donc aussi le sens de la fraternité et du dialogue, dans une société qui se morcelle de plus en plus, et peine à résister à la violence. L’alliance éducative que nous proposons aux familles à un sens et une inspiration profonde, elles en ont bien conscience et nous le manifestent par leur attachement.
Quels sont les enjeux et les objectifs de l’année scolaire 2025-2026 pour l’Enseignement catholique ?
Plus nous serons en mesure d’affirmer et d’affermir notre projet éducatif singulier, plus nous pourrons nous ouvrir aux autres et nous adresser à tous. Dans le contexte actuel, nous voulons montrer que l’enseignement catholique est un atout pour toute la société, que ses valeurs éducatives sont bénéfiques et méritent d’être partagées. Cela suppose aussi de se porter vers les autres et de les écouter. Nous partageons avec eux une communauté de destin, qui nous invite à découvrir en eux les « traces de l’Esprit », « avec constance et discrétion », selon les mots de Mgr Jean-Marc Aveline.
L’Enseignement catholique souhaite donc apporter sa contribution spécifique aux enjeux d’éducation et de société que chacun connait : la crise de transmission, les fragilités croissantes, les difficultés d’émancipation de la jeunesse, les défauts d’espérance d’une société qui voit le retour de la guerre, la crise écologique et la contestation de toutes les institutions. Ce qui manque à la société d’aujourd’hui, c’est essentiellement la confiance : on n’a plus confiance dans nos responsables politiques, dans nos institutions, dans les autres et dans nous-mêmes… Travaillons à restaurer cette confiance au sein même de nos établissements : confiance dans les enseignants et les éducateurs, confiance envers les jeunes, envers les familles, confiance en l’avenir, et somme toute, confiance en nous. Chacun a besoin d’être réassuré, légitimé et soutenu. Apporter du soutien, valoriser, donner l’initiative, c’est un enjeu essentiel à mes yeux.
Disant cela, je ne ferme pas les yeux sur l’horreur de ce qui a été mis à jour à Notre-Dame de Bétharram, et ailleurs. La confiance éducative a été dramatiquement trahie, et l’exercice de l’autorité dévoyé. Cela commande de prendre le mal à la racine. Être dans la vérité, sans concession, se former à la vigilance, protéger activement. J’en appelle à une responsabilisation toujours plus collective, dans nos établissements, dans l’Église, dans toute la société. On le voit bien, les abus s’étendent à des institutions et des milieux de vie différents, et il questionne aussi des sujets de fond plus larges, comme celui de la relation d’autorité, et ses dévoiements. Les travaux de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase) ont lucidement ouvert des perspectives. L’Enseignement catholique prendra une initiative pour les prolonger, au bénéfice de tous. Pour autant, nous mettons en place des mesures de court et moyen termes, par exemple en faveur de la certification obligatoire des internats, de la formation des personnels et des bénévoles. Elles sont les premières pierres d’une démarche de renforcement de la qualité éducative, et d’amélioration continue, que nous construisons peu à peu. Ce sera notre « boussole » : c’est le nom que nous lui avons donné.
Rappelez-nous comment l’Évangile inspire la pédagogie ?
L’Évangile est émaillé de récits de rencontres. La manière dont le Christ entre en relation avec les hommes et les femmes de son temps nous dit quelque chose de la façon dont nous avons à « dire oui aux relations nouvelles », et donc « courir le risque de la rencontre », comme nous y invitait le pape François. Enseigner et éduquer, c’est « courir ce risque » et « dire oui à la relation » avec celui ou celle qui m’est confié. La pédagogie du Christ est une pédagogie de la rencontre, et ensuite, comme avec les pèlerins d’Emmaüs, de l’accompagnement. Puis viendra l’effacement, afin que chacun puisse librement prendre en charge sa vie : « Il faut qu’il grandisse, et que je diminue ». L’Évangile nous inspire aussi pour nous porter vers les plus faibles, les pauvres et les plus fragiles. Le souci de les servir a animé nombre de nos fondateurs. Soyons de dignes héritiers.
Comment les établissements sont-ils invités à déployer l’animation pastorale tout au long de l’année ?
La dimension pastorale embrasse tout le projet d’éducation. Les propositions d’animation pastorale, aussi importantes soient-elles, ne disent pas le tout de la vitalité et de la dynamique missionnaire de l’Église à l’œuvre dans nos communautés éducatives. Il faut tenir les deux. Une dimension pastorale de l’éducation qui irrigue toutes les réalités de l’établissement : l’Église y témoigne de sa sollicitude éducative pour toute humanité et toute l’humanité. Et en même temps, une animation pastorale qui sache mettre en place des propositions adaptées aux lieux et aux temps pour l’annonce de l’Évangile, la profession de la foi, et le sens de la charité et du service. Qui puisse aussi, pour ceux qui le souhaitent, initier, conforter et nourrir leur vie de chrétiens.
Comment les acteurs des communautés éducatives sont-ils accompagnés pour cela ?
Tous les acteurs doivent trouver les ressources qui leur correspondent, dans la diversité et le respect de leurs convictions. Car tous sont parties prenantes du projet éducatif, qu’ils ont choisi et rejoint en entrant chez nous. Chacun, homme et femme de bonne volonté, y participera de façon différenciée. S’agissant de l’animation pastorale, cela n’est pas non plus que l’affaire de quelques-uns. Pour autant, quelques-uns doivent s’y employer spécifiquement, car cela ne s’improvise pas, et c’est là que l’accompagnement revêt toute son importance. J’ai parlé de notre souci de toujours faire grandir la qualité éducative. Comment ne pas faire grandir conjointement la qualité de l’animation pastorale, dans un cadre scolaire et éducatif ?
Faites grandir vos enfants dans la confiance. Faites leur confiance. Faites-vous confiance.
Quels défis de recrutement et de formation ?
Le défi est immense dans le contexte que nous avons décrit. Cependant, notre attractivité professionnelle reste forte : les enseignants sont souvent heureux de travailler dans nos établissements, où ils trouvent un climat propice au travail en équipe et au soutien mutuel. La réforme de la formation initiale nous offre un formidable levier pour mieux faire connaitre notre projet et mobiliser les jeunes dès le lycée, qu’ils découvrent leur vocation et puissent choisir la voie leur permettant de préparer les concours au sein des ISFEC et des Instituts catholiques. Mais si c’est une vocation, il faut que nous soyons plus nombreux à les y appeler ! N’oublions pas la formation de nos cadres, chefs d’établissements, adjoints, chargés de mission en diocèse. Ils sont des maillons essentiels pour mettre en œuvre le projet d’une éducation intégrale et faire vivre l’Évangile au sein de nos établissements. N’oublions pas non plus les bénévoles. Comme dans d’autres secteurs de la vie sociale, ils se raréfient. Une promesse d’accompagnement peut les aider.
Quelles sont les contributions de l’enseignement catholique au système éducatif français ?
On a la chance de vivre dans un pays épris de liberté, alors continuons à offrir cette liberté de choix de l’école aux familles, cette liberté de pouvoir choisir ce que l’on pense le plus adapté pour ses enfants. La loi Debré se fonde sur le principe constitutionnel de la liberté de l’enseignement en reconnaissant la possibilité pour les établissements d’avoir un projet éducatif spécifique. Alors oui, l’existence de projets d’établissement différents pour les familles qui le souhaitent est une source d’enrichissement majeur pour le système éducatif français. Mgr Matthieu Rougé, Président du Conseil épiscopal pour l’enseignement catholique, et moi-même, sommes très attachés à défendre cette participation singulière à la vie sociale. L’Enseignement catholique s’efforce d’offrir ainsi un témoignage concret de la liberté comme engagement, où le sens du service, le souci de l’unité et le goût de l’avenir prennent toute leur place.
Un conseil aux familles d’élèves pour bien aborder ce début d’année ?
En quatre phrases, mais c’est un seul conseil ! Faites grandir vos enfants dans la confiance. Faites leur confiance. Faites-vous confiance. Dieu nous fait confiance.