C'est en pensant à cette extraordinaire valeur de notre coeur et de notre liberté aux yeux du Seigneur que nous pouvons mieux saisir son enseignement sur le jugement. De telles perspectives impliquent bien des questions :
- Un Dieu bon qui nous enseigne à pardonner, peut il ainsi punir ceux qui lui désobéissent ?
- Une peine éternelle, irrémédiable n'est-elle pas excessive par rapport aux péchés qu'un homme peut commettre dans sa vie limitée ?
De telles questions possèdent d'une vision superficielle de ce qu'est le jugement de Dieu sur nous.
- Tout d'abord, nous avons tendance à raisonner par rapport à la justice des tribunaux humains. Mais dans le cas du jugement de Dieu, la Loi qu’il nous a donnée est non seulement extérieure ( « les 10 commandements » ) mais aussi intérieure : la loi de l'Esprit Saint, de l'Amour vrai jusqu'au bout, inscrite par Jésus dans notre cœur depuis notre baptême. Ainsi, est-ce déjà en cette vie, dans nos choix, que nous-même faisons, nous bâtissons une vraie joie ou de faux bonheurs qui ne tarderont pas à se muer en « enfers ». Le « jugement »ne se réalise donc pas simplement sur nous, mais aussi en nous. Il épanouit dans l'éternité ce que nous-mêmes nous aurons librement semé en cette vie. Aurions-nous semé l'Amour vrai, nous y consacrant jusqu'à nous oublier nous- mêmes. C'est cet Amour qui se déploiera en nous, avec toute la gloire, la joie et la lumière qu'il contenait déjà invisiblement.
- Dans le jugement se révélera la vérité profonde de nos choix. La présence ( ou l’absence) du Seigneur dans nos choix n'est pas toujours évidente : nous ne pouvons le percevoir que confusément, selon ce que nous connaissons de nous et de nos décisions. Mais jusqu'où nous connaissons-nous ? A la limite, nous pourrions nous croire irrémédiablement loin de Dieu, alors que sans nous en douter, nous serons restés obscurément dans son Amour.
- Pour autant, n'imaginons pas qu’à ce moment, Dieu nous prendra au piège. La mesure selon laquelle il nous jugera n'est pas si cachée qu'elle en deviendrait arbitraire. Car précisément si le Seigneur nous donne ses béatitudes et ses commandements, sa parole et ses sacrements, s’il nous appelle à l'Amour et le réalise sous les yeux en Jésus, c'est pour que nous ayons les moyens de connaître et de suivre le chemin qui mène à la vie et à l'Amour véritable.
Le problème de fond est en effet que Dieu veut que tous les hommes soient sauvés, qu'il a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour condamner le monde, mais pour le monde soit sauvé par lui. Mais pour nous faire vivre à l'échelle de son trop grand amour, il nous a fait don aussi d'une liberté si grande qu'elle nous rend possible si nous prenons la décision, le refus du pardon jusque dans l'éternité.
C'est ce choix de Dieu, celui du plus grand amour et du plus grand respect de nos décisions, qui nous rend possible le refus jusqu'au bout et pour toujours. Mais c'est ce choix aussi, qui à tout instant, et jusqu'aux portes de la mort, nous permettra toujours de quêter le pardon du Seigneur et de recevoir à nouveau son amitié et son salut aussi bas sommes-nous tombés.
C'est toujours avec au cœur ce sens de la vérité, de l'amour du Seigneur que nous pouvons comprendre ce qu'enseigne Saint Paul et que l'Église a appelé ensuite purgatoire : parce qu’imparfaitement attachés à l'amour du Seigneur au moment de la mort, beaucoup seront sauvés comme à travers un feu. Le regard de miséricorde et de justice du Seigneur qui est posé sur nous commencera d'abord par « brûler » toutes les impuretés de nos cœurs avant de les plonger dans sa gloire et sa sainteté infinies
Le jugement du Seigneur nous sera ainsi personnel, au moment de notre mort. Mais il concerne aussi la totalité de l'humanité et de l'histoire, avec le retour glorieux du Christ. En effet, le sens de l'histoire des hommes, la manière dont tel événement que nous vivons s'intégrera dans la victoire de Jésus en gloire, tout cela nous demeure en grande partie caché. La parabole du bon grain qui mûrit en même temps que l’ivraie nous fait pressentir que l'histoire humaine opère comme une décantation : le règne de Dieu et celui des ténèbres apparaissent de plus en plus à visage découvert. Mais quand la moisson sera-t-elle mûre ? La maturité dont il est question n'est accessible qu'au regard du Seigneur, et de notre point de vue, elle surviendra « comme un voleur », selon la parole de Jésus. Ainsi, l'accomplissement final du Royaume sera une communion de tous les élus en Dieu, une terre nouvelle (Mt 24, 42-44).
Une Jérusalem nouvelle, où tous les enfants de Dieu réunis dans la plénitude de l'Amour, exulteront de joie dans la transparence de sa gloire pour l'éternité.
Résolution :
Cette réflexion sur le jugement ne peut pas nous laisser insensible. Il est donc important de l'appréhender, de l'approfondir, de la comprendre le mieux possible. Demandons au Seigneur de nous aider à l'expliquer dans la grâce de sa Parole, avec l'aide de notre Père Spirituel, avec l'aide du CEC, pour nous rendre le plus proche possible de cette grâce que le Seigneur nous donne. Mourir est une étape incontournable, mais nous sommes tous appelés à la résurrection à l'image de celle du Christ. Personne ne doit manquer à l'appel du Ciel et même si nous passons par le purgatoire, le Seigneur ne veut que aucune de ses brebis ne soit condamné au feu éternel.
Voilà une belle occasion de prier particulièrement pour les âmes du purgatoire, pour qu'elles soient libérées le plus vite possible pour rejoindre l'Amour Eternel de Dieu.