Évangile selon St Jean 16, 20-23a

Rédigé le 30/05/2025


En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples :

« Amen, amen, je vous le dis : vous allez pleurer et vous lamenter, tandis que le monde se réjouira ; vous serez dans la peine, mais votre peine se changera en joie.
La femme qui enfante est dans la peine parce que son heure est arrivée.
Mais, quand l’enfant est né, elle ne se souvient plus de sa souffrance, tout heureuse qu’un être humain soit venu au monde.
Vous aussi, maintenant, vous êtes dans la peine, mais je vous reverrai, et votre cœur se réjouira ; et votre joie, personne ne vous l’enlèvera.
En ce jour-là, vous ne me poserez plus de questions. »

Méditation :

Avec l’Evangile de ce vendredi, entrons dans la vraie joie. Il s’agit d’une joie telle que personne ne pourra l’enlever.
Notre Seigneur présente sa Passion comme un enfantement. Il s’agit donc de quelque chose de difficile, mais qui débouche sur la joie. Son affirmation vise à encourager les apôtres  auxquels il vient d’annoncer son départ (Jn 16, 5-7) et des persécutions (Jn 16, 2). Même si les Apôtres ne réalisent pas tout, ils comprennent assez, c’est-à-dire qu’ils saisissent parfaitement que Jésus annonce qu’Il part, mais qu’ils le reverront. Après la résurrection, après la Pentecôte, ils comprendront pleinement.
Sans chercher beaucoup plus loin, nous avons à nous souvenir de cet enseignement : les tribulations, les épreuves, n’existent pas pour elles-mêmes. Elles sont un enfantement pour un mûrissement, un  épanouissement, une vie plus complète.
Cela suppose plusieurs points :
Tout d’abord, il faut veiller. L’épreuve, la tribulation, les difficultés, peuvent advenir sans que nous les ayons vu arriver. De toute façon, elles présentent toujours un caractère déstabilisant, plus ou moins fortement. Nous le savons malheureusement : la souffrance endurée rompt les équilibres les mieux assurés d'une vie, ébranle les assises les plus fermes de la confiance et en vient parfois même à faire désespérer du sens et de la valeur de la vie. (Benoît à Lourdes, 15/09/2008). Surtout, quasiment inévitablement, avec l’épreuve se greffe la tentation. Dans le contexte biblique, le terme grec pour tentation se rapproche souvent d’épreuve. Benoît 16 l’avait fait remarquer dans son commentaire sur le Notre Père dans le 1er tome de « Jésus de Nazareth ». Qui dit tentation, dit évidemment grand danger de tomber dans le péché.
Nous parvenons de là à un point plus profond : Dieu peut vouloir l’épreuve, et permettre même que nous soyons tentés. Commençons par citer le CEC 2847 : L’Esprit Saint nous fait discerner entre l’épreuve, nécessaire à la croissance de l’homme intérieur (cf. Lc 8, 13-15 ; Ac 14, 22 ; 2 Tm 3, 12) en vue d’une " vertu éprouvée " (Rm 5, 3-5), et la tentation, qui conduit au péché et à la mort (cf. Jc 1, 14-15). Nous devons aussi discerner entre " être tenté " et " consentir " à la tentation. Enfin, le discernement démasque le mensonge de la tentation : apparemment, son objet est " bon, séduisant à voir, désirable " (Gn 3, 6), alors que, en réalité, son fruit est la mort.
Dieu ne veut pas imposer le bien, il veut des être libres ... A quelque chose tentation est bonne. Tous, sauf Dieu, ignorent ce que notre âme a reçu de Dieu, même nous. Mais la tentation le manifeste, pour nous apprendre à nous connaître, et par là, nous découvrir notre misère, et nous obliger à rendre grâce pour les biens que la tentation nous a manifestés (Origène, or. 29). Le premier point, qui peut surprendre, est que Dieu veuille l’épreuve. Celle-ci est nécessaire à notre croissance, comme on va le voir avec saint Augustin. Le deuxième point est que Dieu permet (et non veut) que nous soyons tentés. Pour quelles raisons, dans quels buts permet-il cela ?
La réponse de saint Paul contient un élément de réponse important : Dieu ne permet pas que nous soyons tentés au-delà de nos forces. Dieu est fidèle : il ne permettra pas que vous soyez éprouvés au-delà de vos forces. Mais avec l’épreuve il donnera le moyen d’en sortir et la force de la supporter. (1Co 10, 13).
Ceci est un élément de réconfort. Cependant, il nous faut aller plus loin. La réponse nous est donné par st Augustin. Elle est un peu « compacte », il y a lieu de la décortiquer. Citons-le : Dans son voyage ici-bas, notre vie ne peut échapper à l’épreuve de la tentation, car notre progrès se réalise par notre épreuve ; personne ne se connaît soi-même sans avoir été éprouvé, ne peut être couronné sans avoir vaincu, ne peut vaincre sans avoir combattu, et ne peut combattre s’il n’a pas rencontré l’ennemi et les tentations. (homélie sur le psaume 60).
Cette réflexion est à méditer entièrement. Nous retiendrons que « notre progrès se réalise par notre épreuve ». Voilà pourquoi Dieu peut permettre que l’épreuve et la tentation surviennent. Il est bon de préciser que les propos de st Augustin présuppose le péché originel, et en pratique, les péchés personnels, donc un monde où le péché est bien présent. C’est bien dans ce monde qu’il faut progresser, il est donc inévitable de rencontrer la tentation pour apprendre à vaincre le péché. Mais le but est de progresser en sainteté, pas de faire du sur-place, encore moins de tomber dans le péché ! Prenons une comparaison pour bien comprendre : si une chambre à air est crevée, on peut réparer avec une rustine et la chambre à air sera de nouveau opérationnelle. Globalement, on revient à l’état d’avant la crevaison. Toutes autres sont l’épreuve et les tentation : le but n’est pas de revenir à un état « ante tentationem » mais bien de progresser, de grandir. Par exemple, en comprenant mieux comment opère la tentation, ou en précisant mieux nos défauts. A partir de là, nous devenons davantage capable de lutter contre, notamment en pratiquant les vertus opposées aux défauts.
Signalons que cette nécessité du progrès par l’épreuve vaut au plus haut point au niveau spirituel, mais se constate pour tout notre être. C’est ainsi que des personnes ne partageant pas la Foi arrivent à comprendre que l’épreuve les fait mûrir sur le plan humain.
Il faudrait développer davantage, tant la question s’avère délicate. Une épreuve restera toujours difficile à affronter, par exemple en cas de grave maladie, ou encore des personnes déficientes mentalement et/ou physiquement. Sans doute, ce qui a été approfondi plus haut garde sa pertinence, mais le progrès n’est pas si facile à mesurer. Dans ces cas-là, il se situe souvent dans un progrès notable en humanité, comme une attention plus délicate envers les autres, une charité plus exquise, un sens de l’humain qui grandit. Si on est vraiment animé par un esprit de Foi, ce qui est souvent constaté est alors un progrès dans le don de soi, dans l’amour. Mais même en ces cas, la souffrance reste la souffrance, et il ne sera jamais facile d’y faire face. La contemplation de la croix de Jésus demeure le grand don que Jésus nous fait alors pour parvenir à aimer. Là seulement on parvient au sommet de savoir dans la Foi que la souffrance offerte en union avec Jésus crucifié porte des fruits pour le salut des âmes. C’est là une science délicate et difficile, qui demande à être accompagnée, soutenue par une vraie compassion et surtout par la prière régulière et prolongée, puisée dans le cœur transpercé du Sauveur. Prière de ceux qui sont accompagnés, et de ceux qui accompagnent.
Terminons sur un point important : au fond, Notre Seigneur parle de l’enfantement des âmes. Dans cet enfantement, on peut distinguer le fait de la conversion, de passer d’une vie sans Dieu, voire contre Lui, à une cœur qui se tourne vers Lui. C’est encore le fait de progresser dans la sainteté. La vie consacrée, la vie religieuse, est tournée entièrement vers cet enfantement, c’est l’objet premier de la vocation religieuse, qui peut en outre s’exercer à travers un charisme particulier. Sans la vocation religieuse, que deviendrait l’Église ? C’est notamment pour cela que ste Thérèse de l’Enfant Jésus savait qu’en tant que carmélite elle devait enfanter des âmes. Avant même de rentrer au carmel, elle obtint la conversion du criminel Pranzini, et en parle comme  de son premier enfant (cf. manuscrits autobiographiques).
A partir de là, nous savons que Dieu peut demander davantage encore à certaines âmes d’élites : des épreuves bouleversantes, pour le salut des âmes. Ainsi, par exemple, mère Térésa vécue quasiment 50 ans une terrible nuit de la Foi. 50 ans pendant lesquels elle n’a l’évidence que du vide, au lieu de la présence de Dieu, alors même qu’elle est fondatrice et supérieure d’une congrégation religieuse qui se répand dans le monde entier. Voici un exemple de ce qui a été publié après sa mort, comme écrit de sa main :  J’éprouve que Dieu n’est pas Dieu, qu’Il n’existe pas vraiment. C’est en moi de terribles ténèbres. Comme si tout était mort, en moi, car tout est glacial.[...] Les sœurs et les gens pensent que ma foi, mon espérance, mon amour me comblent en profondeur, et que l’intimité avec Dieu et l’union avec Sa volonté imprègnent mon cœur. Si seulement ils pouvaient savoir. » Par la toute fine pointe de son âme, Mère Térésa sait qu’elle n’ a pas perdu la Foi, qu’elle n’a pas rêvé l’appel à secourir les pauvres entendu dans le train de Darjeeling. Il fallait qu’elle soit soutenue par son directeur spirituel, et elle a du, à certains moments, se fier à lui comme une aveugle. Une telle force d’âme a du enfanter un nombre incalculable d’âmes, et aujourd’hui sainte mère Térésa nous aide du haut du ciel dans notre chemin de Foi.

 
Résolution :
Le Christ est monté au Ciel le jour de l'Ascension, mais il ne nous laisse pas orphelins car il nous envoie son Esprit Saint le jour de la Pentecôte, qui comme un Feu, va nous brûler de son Amour. Si nous sommes dans la nuit, dans le désert de notre foi, supplions l'Esprit Saint de nous donner cette Lumière pour nous permettre  de retrouver avec joie l’Espérance et l'Amour du Seigneur.