La sagesse doit-elle être comptée parmi les dons du Saint-Esprit ?
Objections :
- Non, semble-t-il. En effet, les dons sont plus parfaits que les vertus, nous l’avons dit précédemment. Or la vertu ne se réfère qu’au bien, ce qui a fait dire à S. Augustin que " personne ne fait un mauvais usage des vertus ". A plus forte raison en est-il ainsi des dons du Saint-Esprit, qui ne se réfèrent qu’au bien. Mais la sagesse se réfère aussi au mal. S. Jacques (3, 15) parle d’une sagesse " terrestre, animale, diabolique ". La sagesse ne doit donc pas être placée parmi les dons du Saint-Esprit.
- D’après S. Augustin, " la sagesse est la connaissance des choses divines ". Or la connaissance des choses divines dont l’homme est connaissance surnaturelle des choses divines, elle appartient à la foi qui est une vertu théologale, nous l’avons montré antérieurement. On devrait donc appeler la sagesse une vertu plutôt qu’un don.
- Nous lisons au livre de Job (28, 28) : " La crainte du Seigneur, voilà la sagesse ; s’écarter du mal, voilà l’intelligence. " Quant au texte des Septante utilisé par S. Augustin, il porte : " La piété, voilà la sagesse. " Or, la crainte aussi bien que la piété sont déjà placées parmi les dons du Saint-Esprit. Il n’y a donc pas lieu de compter la sagesse comme un don différent des autres. En sens contraire, nous lisons en Isaïe (11, 2) : " Sur lui reposera l’esprit du Seigneur, esprit de sagesse et d’intelligence, etc.
Réponse :
Selon le Philosophe, il revient au sage de considérer la cause la plus élevée par laquelle on peut juger de tout avec une grande certitude et d’après laquelle il faut tout ordonner. Or, la cause la plus élevée peut s’entendre d’une double façon : ou bien d’une manière absolue ou bien dans un certain domaine. Celui qui connaît la cause la plus élevée dans un domaine, peut grâce à elle juger et ordonner tout ce qui appartient à cet ordre de choses. Il est sage en ce domaine, par exemple en médecine ou en architecture. " Comme un sage architecte, j’ai posé les fondations ", écrit S. Paul (1 1631 Co 3, 10). Mais celui qui connaît d’une manière absolue la cause la plus élevée qui est Dieu, on dit qu’il est sage absolument, en tant qu’il peut juger et ordonner toutes choses selon les règles divines. Or, c’est le Saint-Esprit qui donne à l’homme d’avoir un tel jugement. " L’homme spirituel juge toutes choses ", selon S. Paul, car " l’Esprit scrute tout, jusqu’aux profondeurs divines " (1 Co 2, 15). Il est donc évident que la sagesse est un don du Saint-Esprit.
Solutions :
- On parle du bien de deux façons. D’une première façon, le bien est ce qui est vraiment bien et absolument parfait. D’une autre façon, par similitude, on dira qu’un être est bon lorsqu’il est parfait en malice. Ainsi on parlera d’un " bon voleur " ou d’un " parfait voleur ", comme le montre Aristote. Et de même qu’il existe une cause suprême dans le domaine des êtres vraiment bons, et c’est le souverain bien, fin ultime dont la connaissance rend l’homme vraiment sage ; de même il existe dans le domaine des êtres mauvais un être auquel les autres réfèrent comme à la fin ultime. L’homme qui connaît est un sage pour faire le mal. " Ils sont sages pour faire le mal, mais ils ne savent pas faire le bien ", dit Jérémie (4, naturellement capable relève de la sagesse, qui est une vertu intellectuelle. Quant à la 22). Quiconque en effet se détourne de la fin requise se donne nécessairement une fin mauvaise, parce que tout agent agit en vue de la fin. Quand on met sa fin dans biens terrestres, la sagesse est " une sagesse terrestre " ; si c’est dans les biens corporels, la sagesse est " une sagesse animale " ; si c’est dans quelque supériorité, la sagesse est " une sagesse diabolique ", car on imite l’orgueil du diable qui est (Jb 41, 26) " le roi de tous les fils de l’orgueil ".
- La sagesse comptée parmi les dons du Saint-Esprit est différente de celle qui est comptée comme une vertu intellectuelle acquise. Car celle-ci s’obtient par l’effort humain, et celle-la, au contraire " descend d’en-haut ", comme dit S. Jacques (3, 15). Elle diffère aussi de la foi, car la foi donne son assentiment à la vérité divine considérée en elle-même, tandis que c’est le jugement conforme à la vérité divine qui est le fait du don de sagesse. Et c’est pourquoi le don de sagesse présuppose la foi, car " chacun juge bien ce qu’il connaît ", dit le Philosophe.
- La piété qui relève du culte divin, manifeste notre foi en tant que nous professons cette foi en rendant un culte à Dieu ; c’est de la même manière que la piété manifeste la sagesse. Voilà pourquoi l’on dit que " la piété est sagesse ". Il en est de même pour la crainte. En effet, l’homme montre qu’il a un jugement juste en ce qui concerne les choses divines, parce qu’il craint et honore Dieu.
Quelle béatitude correspond au don de sagesse ?
Objections :
- Il semble que la septième béatitude ne corresponde pas au don de sagesse. Cette béatitude dit : " Heureux les artisans de paix car ils seront appelés fils de Dieu. " Ces deux termes ressortissent immédiatement à la charité. Car on dit dans le Psaume (119, 165) : " Il y a une grande paix pour ceux qui aiment ta loi. " De son côté S. Paul a écrit (Rm 5, 5) : " L’amour de Dieu a été diffusé dans nos coeurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné ", lui qui est " l’Esprit d’adoption des fils, lui qui nous fait crier : "Abba, Père" " (Rm 8, 15). La septième béatitude doit donc être attribuée à la charité plutôt qu’à la sagesse.
- Tout être se manifeste davantage par son effet prochain que par son effet éloigné. Or, l’effet prochain de la sagesse semble bien être la charité, selon cette parole (Sg 7, 27) sur la Sagesse : " Elle se répand à travers les nations dans les âmes saintes, elle en fait des amis de Dieu et des prophètes. " Quant à la paix et à l’adoption des fils, qui procèdent de la charité, on l’a dit, ce sont, semble-t-il, des effets éloignés de la sagesse. La béatitude qui répond à la sagesse devrait donc être déterminée selon l’amour de charité plutôt que selon la paix.
- D’après S. Jacques (3, 17) : " La sagesse d’en-haut est premièrement pure, ensuite pacifique, discrète, compréhensive, conciliante, pleine de miséricorde et féconde en bonnes oeuvres, sans partialité, sans hypocrisie. " La béatitude qui correspond à la sagesse ne doit donc pas être comprise selon la paix plutôt que selon les autres effets de la sagesse divine. En sens contraire, d’après S. Augustin, " la sagesse convient aux pacifiques en qui l’on ne trouve aucun mouvement rebelle, mais l’obéissance à la raison ".
Résolution:
La sagesse est le summum des dons de l'Esprit-Saint. La sagesse est inscrite plus profond du coeur de l'homme. Je demande au Seigneur de me mettre dans cette situation de sagesse pour toutes les décisions que je dois prendre chaque jour avec l'aide de l'Esprit Saint.